Allnews: S&F veut franchir la barre des 10 milliards
Allnews Article . Emmanuel Garessus . 04 Dec 2024 07:00 - La société de structuration et d’administration de fonds a dépassé les 6 milliards cette année et entend se développer dans les marchés privés. Avec Violaine Augustin-Moreau, de S&F.
Une affaire de volume. Les marges sont sous pression dans l’administration et la structuration de fonds. Mais la tendance n’est pas unanime. Les fonds immobiliers s’en sortent mieux que d’autres. S&F est précisément devenu le leader de l’administration de fonds suisses immobiliers. La société, spécialisée à la fois dans la structuration et l’administration de fonds, est passée de quelque 20 à 25 collaborateurs il y a 5 ans à 32 collaborateurs aujourd’hui. Elle est basée à Morges (26 collaborateurs) et est également présente depuis plusieurs années avec une succursale à Zurich. S&F entend renforcer prochainement son équipe de Zurich. La société est l’administratrice de 25 fonds. Violaine Augustin-Moreau, COO de S&F, répond aux questions d’Allnews:
Est-ce que 2024 est une bonne année pour S&F?
Oui, c’est une bonne année en termes de chiffre d’affaires et une très bonne en termes de résultat. Notre chiffre d’affaires est lié à la masse sous gestion et, dans un deuxième temps, à l’activité de nos produits. Nos revenus sont donc répartis entre produits récurrents et non-récurrents. A chaque transaction ou augmentation de capital, nous avons une tâche de vérification à effectuer.
La croissance du chiffre d’affaires et des actifs sous gestion est proche de 10% cette année. En termes d’actifs sous gestion, nous franchissons maintenant la barre des 6 milliards de francs, après avoir récolté 500'000 francs d’actifs supplémentaires avec la croissance organique.
La baisse des taux d’intérêt favorise la classe d’actifs immobilière durant une année 2024 que l’on peut qualifier d’année de rattrapage en termes de transactions après une année 2023 attentiste et marquée par un petit nombre d’augmentations de capital. En 2024, nous enregistrons presque 10 augmentations de capital sur nos différents produits avec des volumes records. Nous venons d’enregistrer une augmentation réussie à plus de 100 millions de francs d’actifs sous gestion.
Quel est le niveau des marges dans votre métier?
Notre rôle d’administration se nourrit du volume d’actifs pour qu’il soit efficace et rentable. L’écart est significatif entre un produit qui se crée avec 25 ou 50 millions d’actifs gérés et un produit de 3 milliards.
Notre commission représente entre 5% et 20% de la commission de gestion totale dépendant de la classe d’actif et de la nature de l’investisseur du fonds.
«L’IA devrait être capable de résumer en une page les conclusions clés».
Est-ce que votre compétitivité se fait surtout sur le prix?
Le prix est l’un des défis d’un métier où la pression sur les marges est constante.
Cette pression est-elle vraiment constante?
La pression est forte avant tout sur les fonds de valeurs mobilières (actions, obligations), moins sur les fonds immobiliers, notre spécialité, compte tenu d’une moindre concurrence. Nous sommes en effet la plus grande direction de fonds pour des clients tiers immobiliers en Suisse.
Comment caractériser votre spécificité?
Notre USP est celui de la direction de fonds de tiers indépendante. Nous n’avons donc aucun conflit d’intérêts avec des produits que nous gérerions nous-mêmes et vendrions à des investisseurs. Nous ne faisons que de la direction de fonds, soit de la structuration et de l’administration. Nous avons sans cesse des propositions désirant intégrer une partie de la gestion, puisque nous avons la licence de la Finma. Mais nous préférons rester concentrés sur l’administration. Cette spécificité est reconnue et appréciée par le marché. Lorsque nous avons repris Edmond de Rothschild REIM, nous sommes restés indépendant de la gestion du produit. Nous nous occupons de la plateforme administrative et EdR s’occupe de la gestion du produit, sa distribution, le portfolio management et l’asset management, y compris la rénovation du parc immobilier et les contacts avec les régies.
Je nous définirais comme une «plateforme administrative plus plus», pour évoquer non seulement la comptabilité mais aussi les contrôles légaux, la conformité, la gestion des risques, les taxes, les relations avec la Finma. Notre mission principale consiste à protéger les investisseurs. Nous vérifions que le gestionnaire agit effectivement dans l’intérêt des investisseurs et profitons ainsi de notre indépendance.
Si 90% de vos revenus proviennent de l’immobilier, l’avenir s’inscrira-t-il encore dans l’immobilier?
Oui et non. La création de nouveaux fonds immobiliers est plus longue et complexe que celle d’autres classes d’actifs. Le «Time to market» est plus long pour mettre en rapport les investisseurs d’un côté et les immeubles de l’autre et pour arriver au bon moment sur le marché. Beaucoup de fonds immobiliers ont été créés durant cette décennie, avec le soutien de faibles taux d’intérêt. La tendance est aujourd’hui à la consolidation, soutenue par la fusion entre CS et UBS.
Nous resterons fidèles à notre ADN et continuerons à nous développer dans la classe immobilière. Mais S&F comprend aussi des valeurs mobilières. Nous avons acquis l’année dernière les fonds de droit suisse de DWS, le gérant d’actifs appartenant à la Deutsche Bank.
Nous sommes aussi présents et croyons beaucoup au développement de la dette privée. Nous avons deux produits dans cette classe d’actifs avec de bons rendements entre 5,5 et 6%. Ces derniers s’adressent à des investisseurs qualifiés. Il s’agit de dettes privées adossées à l’immobilier, soit du crédit mezzanine pour financer la partie non finançable par une banque, par exemple la rénovation d’immeubles. La Suisse compte peu de tels fonds par rapport à l’UE et la Suisse romande n’en compte encore aucun. Le potentiel est réel et significatif.
«La pression est forte avant tout sur les fonds de valeurs mobilières (actions, obligations), moins sur les fonds immobiliers».
Pourquoi un grand gérant d’actifs comme DWS vous a-t-il outsourcer l’administration de fonds?
Nous avons repris le mandat à une autre direction de fonds. DWS l’avait déjà outsourcée. L’administration de fonds est un métier vraiment spécifique, un métier de volume. Nous croyons aux vertus du modèle qui consiste à se concentrer sur ses plus-values. En revanche, nous ne croyons pas au modèle de l’intégration verticale à l’interne. On ne peut pas tout bien faire.
Où se situe votre savoir-faire au sein des différents métiers de l’administration?
Notre savoir-faire se situe d’abord dans la structuration. Certaines structures sont adaptées à des types particuliers d’investisseurs ou de classes d’actifs, d’autres le sont moins. Nous passons beaucoup de temps avec un client sur ces aspects, afin de bien comprendre ses objectifs, sa masse critique, sa stratégie. Une fois le produit déjà lancé, on ne revient pas sur sa structure. Le parallèle peut être fait avec le développement d’un immeuble.
Une autre force se situe dans nos relations avec la Finma et les associations de branche. Nous avons intégré l’an dernier l’ancien responsable de sa division Asset management et qui est notre responsable Legal & Compliance. Et nous sommes très présents dans les associations de l’industrie. Par exemple Andreea Stefanescu, notre CEO, est présidente de Coptis, l’association des professionnels en titrisation immobilière et plusieurs collaborateurs sont également intégrés au sein de l’AMAS. Enfin, j’ajouterais que nos forces comprennent les aspects fiscaux et légaux.
Quelles menaces pèsent sur votre secteur?
Les menaces qui pèsent sur la classe d’actifs immobilière concernent la protection du locataire, le droit du bail, les aspects fiscaux (TVA), les questions de droits de mutation et du droit de préemption des communes, par exemple à Zurich.
Est-ce que les fonds immobiliers sont compétitifs par rapport aux sociétés immobilières cotées?
La tendance est favorable à ces dernières depuis quelques années. Mais un produit régulé tel qu’un fonds offre une protection supérieure aux investisseurs. La carte de visite d’un fonds immobilier, c’est son règlement de placement (stratégie, commissions, charges). Notre tâche consiste, pour chaque transaction ou rapport annuel, à vérifier que tout a été appliqué correctement et que la politique de placement est respectée par le gestionnaire.
Cette protection a toutefois un coût. A protection égale, le rendement est égal entre les deux instruments.
Quelles sont vos attentes à 3 ans?
La loi précise qu’il existe un maximum de fonds propres à atteindre pour une direction de fonds. Cette barre est placée à 20 millions de francs. Une fois que ce montant est dépassé - le volume sous-gestion oscille alors autour de 10 milliards - , il n’est pas nécessaire d’avoir des fonds propres supplémentaires pour tout nouveau client. Notre objectif consiste à atteindre cette limite. Aujourd’hui nous sommes en phase de croissance, mais tout nouveau client nous coûte aussi des fonds propres supplémentaires. Si nous y parvenions d’ici 5 ans, ce serait fantastique.
Quelles sont vos ambitions dans les fonds en valeurs mobilières?
Auparavant, nous internalisions le calcul de la VNI, mais nous avons réalisé que nous n’avions pas les volumes nécessaires pour être assez rentables. Nous préférons déléguer le calcul de VNI à des prestataires, en l’occurrence State Street, Pictet ou CACEIS. Nous fonctionnons en architecture ouverte avec un nombre croissant de prestataires principalement sur les banques dépositaires. Nous proposons à nos clients le choix des prestataires qu’il désire. Par contre, si nous déléguons la VNI, nous conservons la direction de fonds (controlling). Il n’en reste pas moins que le client n’a qu’un point d'entrée chez nous par un relation manager dédié à répondre à tous ses besoins.
Quels sont vos projets en matière d’IA et de digitalisation?
Dans un métier où le volume est clé, la digitalisation est prioritaire. Nous avons de plus en plus de données. La question consiste à les obtenir, les contrôler, les publier. Un rapport annuel a en effet dépassé 70 pages de textes et de données. L’IA devrait être capable de résumer en une page les conclusions clés.
Est-ce que l’IA réduira fortement vos effectifs?
Non. Cette donnée est exigée et devient une référence. Il est indispensable de publier cette donnée pour être comparable. Par contre, cela devrait créer des opportunités de conseils par rapport aux besoins du client.